Vie et Destin de Vassili GROSSMAN

Publié le 26 Avril 2020

Ce roman dépeint la vie de la famille Chapochnikov pendant le siège de Stalingrad fin 1942, début 1943. Chaque chapitre raconte une bribe d'existence pour constituer le puzzle familial, chaque bribe apporte sa touche de couleur au récit, couleur terne, sombre ou joyeuse, selon. Nous nous approchons au plus près des vies, des besoins, des questions, des préocupations de toutes ces personnes. Puis les situations se font plus intenses : l'entrée dans le Ghetto, dans la chambre à gaz, dans le bureau d'interrogatoire de la Loubianka, où sont les services secrets soviétiques. 

Grossman n'a rien omis, le plus futile comme le pire, dans le camp, sur le champ de bataille, dans l'isba, dans l'appartement défoncé, dans la maison résistant à l'ennemi, au sein du laboratoire de recherches.

Bien sûr certaines personnes ont plus souffert que d'autres mais le général qui doit décider d'envoyer ses chars conduits par des gamins sans expérience, souffre de les mener à la boucherie. Il prétend plus souffrir que son rival amoureux qui est interrogé à la Loubianka.

Des images fortes restent après avoir refermé ce chef-d'oeuvre. Par exemple, les bolcheviques continuaient à exercer leurs pressions à l'intérieur des camps de prisonniers russes. L'encerclement des allemands à la fin du siège de Stalingrad aurait pu être évité si Hitler lui-même ne leur avait pas enjoint de continuer à se battre puisqu'il leur faisait encore confiance. Il y a aussi ce petit passage où Staline décide, alors que la guerre n'est pas finie, que les prisonniers russes rejoindront les prisonniers allemands dans les goulags après la guerre.

Bien sûr, ces faits sont plus ou moins connus mais là on mesure à quel point il est difficile de se dépêtrer du totalitarisme, de la peur entretenue à tous les niveaux de la société, avec un système avilissant de récompenses et de sanctions.

Heureusement, d'autres petits fragments de vie sont lumineux à leur façon, car il en ressort une très grande humanité. Il y a cette histoire de cette vieille femme qui sauve la vie de l'allemand qui avait tué le mari la veille. Il y a cet accouchement sur les planches glacées de la péniche. Il y a Natacha qui traverse Stalingrad complètement détruite, pour faire cuire les petits pâtés à la viande qu'elle offrira pour le départ de ses amis. Tous ces gens s'oublient, pour rester vivants et continuer coûte que coûte, en s'adaptant avec un immense courage. Ces beaux gestes consolent de la dureté.

Grossman met parfois son histoire entre parenthèses, en nous livrant ses réflexions, pour parfaire son message.

Lire ce livre offre l'occasion de savoir ce que les gens ont enduré, de leur rendre hommage, car leurs voix ont été tues. En effet, cet ouvrage n'aurait jamais dû être édité car il a été saisi par le FSB en 1969, chez l'auteur. Il franchira le rideau de fer et sera imprimé à Lausanne en 1980.

Chaque vie est précieuse et singulière. Nous avons tous en nous une petite graine de bonté à faire grandir.

Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature russe

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