Publié le 28 Janvier 2019

Dès le premier chapitre, le vertige est immense. Le général Alaouni débute sa journée … pas comme tout le monde, loin de là. Il enchaine ses activités – comme donner une leçon de torture à son lieutenant qui lui en très reconnaissant – puis s'écroule sur son canapé. Il a des soucis : il craint pour l'avenir de sa fille chérie. 

Alaa El Aswany écrit si bien que les pages s'enchainent à toute vitesse, seul le propos oblige à ralentir, implacable et désespérant. Les chapitres sont courts, consacrés tour à tour à un acteur raté, une jeune professeur d'anglais, etc … qui réapparaissent bien après. Chacun vit sa vie, a des projets ou non, des déceptions puis BOUM, la révolution arrive. La violence est permanente, oppressante. Heureusement, nous n'avons rien à voir avec eux, c'est une fiction. Pourtant les questions arrivent, universelles, comme : Comment devient-on lâche ? Qui veut se poser des questions ? Quand décide-t-on d'agir ? Quel est l'élément déclencheur d'une révolution ? Est-ce que la morale peut exister ? Est-ce possible de conserver de tels écarts de richesse entre les gens ? Quand allons-nous réussir à en finir avec ces régimes ?

De vrais témoignages sont introduits dans le récit, relatant des épisodes épouvantables de la répression. La fiction est dépassée par la réalité glaçante.

Tout au long des pages, il est répété que les égyptiens sont gentils et dociles. Fatigués et effrayés peut-être ? On le serait à moins. Ils ont été broyés, au sens propre comme au sens figuré. La leçon de cette histoire est la suivante : quand on est rien et qu'on ne sera jamais rien dans son pays, alors il vaut mieux partir. La liberté n'est possible qu'ailleurs. La deuxième leçon est : si il n'y a pas de justice, tout peut arriver, y compris de rendre justice soi-même. La justice peut alors être encore pire.

Ce cruel roman est d'actualité, à l'heure où le président Al Sissi pourrait envisager de rester au pouvoir à la fin de son mandat. Tous ceux qui ont contribué à la révolution sont en prison, partis ou morts. Al Aswany est le porte-parole courageux de tous ces gens qui croyaient à la justice et à la liberté, au prix de leurs vies et de leurs rêves.

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature égyptienne

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Publié le 27 Janvier 2019

Au soir de sa vie, Fukuzawa Yukichi nous fait un merveilleux cadeau : nous raconter sa vie dans un livre. Ce livre, arrivé jusqu'à nous, est passionnant à plusieurs titres. D'abord l'émotion d'être en « contact direct » avec un Japonais du 19 ème siècle. Il raconte tout en détails : la vie à cette époque, la culture, la société. Les différences avec notre société occidentale contemporaine sont incroyables : pas de police ni de justice, des bateaux achetés aux américains sans contrats ni facture (ce qui crée de mauvaises surprises) et encore moins de récépissé de paiement … Ce récit a beau dater d'une autre époque, il est narré avec un langage fluide, simple, direct.

Fukuzawa raconte les changements de l'époque : le chaos du début de l'ère Meiji, les dangers … et comment il arrive à s'en sortir, lui le complice des Occidentaux puisqu'il a voyagé et rapporté des connaissances de l'extérieur du Japon, fermé pendant deux siècles au reste de l'humanité. Il reste malgré tous les risques fidèle à lui-même, sans concessions, avec une grande compréhension des autres.

C'est un document d'une richesse inouïe, fascinant par toutes ses péripéties et la découverte du Japon à cette époque. C'est unique en son genre mais il faudrait de telles oeuvres pour chaque époque, en tous endroits … racontés par des personnes aussi intelligentes et sensibles que Fukuzawa, un être véritablement exceptionnel.

 

 

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature japonaise

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Publié le 25 Janvier 2019

Deux fillettes se disputent, elles grandissent. Elles se défient et se retrouvent dans des situations périlleuses.

Malheureusement, le récit ne laisse aucun souvenir.

Seule l'échappée vers la ville me revient, il fait chaud, elles ont peur mais se poussent à continuer. A un moment, le retour est devenu vraiment compliqué.

Le pire pour un roman est peut-être d'être oublié aussitôt. C'est ce qui s'est produit avec celui-là.

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature italienne

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Publié le 24 Janvier 2019

Un homme russe a fait la seconde guerre mondiale … puis s'est retrouvé ensuite au goulag. Il en sort meurtri, désespéré, et la folie le guette. Le délire est si fort que les mots, voire les phrases sont difficiles à comprendre. Nous le retrouvons à la fin du vingtième siècle lors de son retour à la maison des rencontres, celle où il avait le droit de passer exceptionnellement une soirée et une nuit avec sa femme, lors de son incarcération.

Ce récit nous montre avec finesse que le peuple russe n'a pas eu droit à son pardon, à ses pleurs. Ils en ont été incapables ou pire, ces retours sur le passé ont été interdits. Combien de gens ont été enfermés arbitrairement ? Ont eu faim, froid, peur ? Ont-ils eu droit à leur parole ensuite pour être entendus pour leurs souffrances ?

Comment construire une société sur autant de terribles histoires individuelles ? La folie du despote Staline a duré trente ans. Comment cela a été possible ?

La question est très bien posée dans ce livre et je me demande si il y aurait une autre façon de la poser …. Pas si sûr car cette destruction de l'humanité ne peut être traitée que de cette manière : hallucinée et dérangeante, avec un petit coup de canif pour notre société qui se rassure et évite de se poser trop de questions à coup de consumérisme et de bien-pensance … Assez dérangeant.

Qui a aidé les russes à s'en sortir ?

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature britannique

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Publié le 21 Janvier 2019

Ce recueil nous offre en lecture les premières nouvelles éditées de Camus. Ces nouvelles sont magnifiques et maladroites, Camus le disait lui-même. C'est surtout très fort ; en particulier la dernière nouvelle sur le voyage, la recherche du bonheur. Beaucoup d'émotion à lire ce livre, à relire certainement, comme tout Camus. Je suis impressionnée car le merveilleux écrivain, malgré ses maladresses, est déjà là dans ces pages.

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature française

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Publié le 20 Janvier 2019

Une femme n'arrive pas à vivre avec un passé douloureux. Elle a un travail d'écrivain qui lui plait, un mari parfait, deux enfants …. Par moment, cela ne marche pas, surtout dans sa relation avec ses enfants.

Elle est un peu exaspérante puis la fin est superbe : la vie en Afrique, les émotions, les descriptions, les couleurs. Il y a le dénouement simple et efficace. Une bonne partie de cette histoire est ennuyeuse …

 

 

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature serbe

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Publié le 19 Janvier 2019

Il s'agit d'un recueil de nouvelles. La première débute de manière romanesque puis vire au drame et se termine comme un genre de songe, dans lequel l'héroïne, mourante, s'adresserait alors à son amour rêvé. Alice Munro sait en peu de mots construire un récit original et étonnant, sans brusquerie et avec intelligence.

Pourtant, elle décrit tout, le moindre détail donne du sens, du rythme et reste efficace. C'est absolument parfait.

L'écriture est si visuelle qu'il serait possible de peindre le cadre de ces histoires, la barque, la maison, la végétation.

C'est aussi fort que « Fugitives ».

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature canadienne

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Publié le 18 Janvier 2019

Bain de lune est un récit à deux voix, qui se déroule dans un village en Haïti, sans doute au siècle dernier.

L'une de ces voix est celle d'une personne du village, sans savoir de qui il s'agit. L'autre est celle d'une victime, on le sait immédiatement, sans savoir de quelle violence il est question.

Le lecteur a envie de savoir et de comprendre, là est la magie de cette histoire racontées avec de belles images et empreinte d'une immense tristesse.

La vie en Haïti est dure, désespérante, et la fatalité prend le dessus. La nature est peu généreuse.

L'acharnement à extirper le peu qu'il reste à des gens pauvres, durs à la tâche, est atroce. Leur dénuement est total, ils n'ont que leurs dieux et leurs croyances pour supporter tous leurs malheurs.

La langue haïtienne utilisée oblige à des renvois au glossaire en fin de livre. Les phrases sont parfois assez compliquées, voire ambigües.

Ce roman est avant tout sensible et intelligent.

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

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Publié le 16 Janvier 2019

Ce roman est dense, incroyable. Il débute par les pires heures de la révolution culturelle chinoise en 1967, puis devient digne d'un bon roman policier avec des morts suspectes. Les personnages sont très particuliers, dans leurs comportements, leurs approches, mais bon, tout se passe en Chine et il y a certainement d'énormes différences culturelles et sociales. Par exemple, le héros est aperçu une fois en famille, ainsi on sait qu'il en a une mais ensuite pfuit … il n'en est plus jamais question. Or il est très très absent de sa maison pour participer à l'enquête et jouer au jeu virtuel du problème à trois corps. Là on bascule dans le fantastique, avec alternance avec des évènements de la vie réelle. Enfin le livre devient philosophique avec une très belle réflexion sur l'histoire, le droit au pardon, la difficile frontière entre le bourreau et sa victime. Et pour finir, on pourrait se croire dans un roman de Barbara Kingsolver : le point central du livre est le problème écologique qui menace la Terre. Ouf, impossible de s'endormir. Des images très fortes restent : la construction d'un ordinateur avec des humains faisant office de carte mère, l'apparition d'une forêt dans une terre hostile et abandonnée pour empêcher la disparition définitive d'oiseaux … et des personnages vraiment exceptionnels, pour lesquel il est impossible de se déterminer. Sont-ils bons, fous, exécrables ? Il est rare d'arriver à avoir de l'empathie pour un criminel mais bon, c'est la magie des histoires, nous faire tourner en bourrique. Pas vrai ?

Le jeu tient une place particulière dans cette histoire, son rapport avec le temps imparti, l'idée que tout est possible, qu'on peut s'extraire de la réalité, et du lien qu'il crée entre les joueurs, jusqu'à l'addiction pour lui. En partageant un univers, des règles, les gens se sentent de facto proches, ils ont les mêmes envies. Pour aller plus loin, le jeu devient un levier pour recruter, rassembler des personnes.

Enfin, la question la plus désespérante de cet ouvrage est la suivante : Pourquoi profiter avec avidité des ressources naturelles, sans avoir besoin d'une telle quantité et sans se préoccuper de les tarir ? Juste pour l'argent, le pouvoir, la sensation d'exister ?

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature chinoise

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Publié le 13 Janvier 2019

Ce roman est rythmé par des phrases courtes, des enchainements inattendus, des mélanges surprenants. Il s'en dégage beaucoup de poésie, des évocations, de très beaux paysages, des figures de femmes très touchantes.

Les pauvres gens ont parfois des vies absurdes. C'est un constat désespérant qui, malheureusement, se répète.

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Littérature française

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