Pour une écologie pirate de Fatima OUASSAK

Publié le 14 Mars 2023

« On ne revendique jamais ce qui devrait être un droit fondamental pour tout écologiste digne de ce nom : la liberté de circulation et d'installation de tous les humains ». Mais oui, d'où est venue cette idée qu'il y a des gens sur terre qui peuvent aller n'importe où et d'autres qui sont assignés à rester dans un endroit où ils sont maltraités ? Cette question, je me la pose depuis toute petite. Maintenant, je ne suis toujours pas résignée, d'autant plus quand nous assistons impuissants aux naufrages de canots en Méditérannée.

Traiter du sujet de l'écologie passe obligatoirement par l'évocation de l'égalité. Sommes-nous tous égaux pour prendre à bras le corps cette question ? Est-ce que certains citoyens n'ont pas cette préoccupation parce qu'ils ont d'autres problèmes à régler avant ?

L'écologie n'est pas populaire. Elle devrait l'être. Elle est traitée de façon politique dans cet ouvrage.

On n'a pas autorisé la seconde génération d'immigrés nord-africains à s'ancrer dans notre société, contrairement aux immigrés européens parce que leur condition utilitaire a disparu dès la première génération. Je pense aussi que la religion catholique constituait un socle commun entre les français et les italiens, les espagnols et les portugais par exemple.

Les descendants de cette immigration de nord africains sont les victimes de la « hogra » : ils ne se sentent pas égaux aux autres Français et ils ne se sentent pas considérés et respectés comme les autres Français.

Fatima Ouassak va plus loin, il y a une volonté institutionnelle de terroriser et humilier ces Français. Pour les décourager de rester ? Alors qu'ils sont nés en France ?

Y a-t-il une vraie volonté politique d'ancrer ces populations en France ?

« Quoique vous fassiez, qui que vous soyez, vous n'êtes pas ici chez vous » écrit-elle. On peut aisément l'imaginer. Je l'ai constaté en tant que blanche en France. A chaque déménagement, il y a toujours eu des gens pour me faire sentir que je ne suis pas du lieu où je vis. J'ai pu le voir aussi pour une amie ayant épousé un provencal. Quarante ans de vie commune plus tard, elle est toujours la parisienne aux yeux de tous ceux de cette petite ville de Provence. Et puis cette voisine me disant qu'elle n'est pas de notre village. Non, elle est venue de celui d'à côté, il y a cinquante ans. Mais elle juge important de me préciser qu'elle n'est pas du coin. Bien. Alors quand s'ajoute à cela une couleur de peau, des coutumes différentes, une religion, qui sait ?

Je l'avais aussi constaté avec effroi quand je me promenais avec une amie sénégalaise dans la rue et que les gens venaient la heurter comme si elle n'existait pas.

Cet impossible ancrage conduit à « l'errance et à l'impasse politique ». Qui représente ces gens ? Leurs aspirations ? Ils n'ont aucune influence sur les décisions politiques. Les classes populaires sont les plus vulnérables.

L'islamophobie participe au processus de désancrage. Par exemple, les rites funéraires musulmans ne peuvent pas être respectés en France faute de cimetières musulmans et de trop rares carrés musulmans dans nos cimetières. L'auteure va jusqu'à dire que les musulmans sont victimes de discriminations massives, qu'il y a une désacralisation de leur spiritualité et une privation de terre.

Des gens se sentent menacés et certains sont chassés de chez eux, faute de place, toujours plus nécessaire.

On constate que la délocalisation de la production évite de se poser des questions d'éthique. Il y a les vœux et la réalité. On a des zones où on applique les bonnes règles et on s'en fiche de se qui se passe ailleurs. Parfois, on est choqué de découvrir les ravages dans une forêt lointaine ou des extractions de minerai dévastatrices. Mais nous ne vivons pas des destructions de paysage au quotidien, sauf dans les quartiers populaires situés près d'autoroutes ou d'usines polluantes, ayant des effets délétères sur la santé.

L'idée de base de ce refus de partager gentiment le monde avec ses ressources est que le système colonial-capitaliste nécessite l'oppression de certains pour disposer d'une main d'oeuvre.

La violence contre les migrants est une facette de la violence de la société. Tout ce qui est différent, inconnu, dérange nécessairement … sans parler de la crainte de partager tout simplement.

Fatima Ouassak a plein de projets et d'idées, elle a créé une association Verdragon – lieu d'écologie populaire. Dans ce livre, elle imagine un projet de libération de la Méditerranée.

On a vécu l'entrave à la circulation lors du confinement ... On peut mieux se représenter ce que c'est de ne pas pouvoir se déplacer, aller où on veut sur terre, retrouver les siens, sa famille. Il est aisé d'imaginer le chagrin des familles qui ne peuvent accueillir des gens de leur famille qui sont de l'autre côté de la Méditerranée.

 

Ce livre remet les pendules à l'heure, nous bouscule un peu et fait beaucoup réfléchir, conditions à accepter pour suivre Fatima Ouassak jusqu'au bout sur son vaisseau pirate.

Et tant pis si le discours semble extrême parfois.

 

Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Document

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