Le salon du livre de Paris 2018

Publié le 19 Mars 2018

Vendredi dernier au salon du livre de Paris, j’ai eu la chance d’assister à des débats en direct. Le premier était un dialogue entre le philosophe Frédéric Worms et le public présent. Celui-ci était essentiellement composé de jeunes de classe de 4ème, de prime abord bruyants et excités, tous d'origine africaine du nord et du sud. 

Le sujet était celui du livre auquel le grand professeur a collaboré : les mots de la République.

La femme qui animait le débat propose alors au public de prendre le micro pour proposer ses mots, lieux ou dates ayant trait à la République. A monsieur Worms de rebondir sur la proposition soit en trouvant le mot dans le recueil, soit en discutant de l’absence du mot ou du bien fondé à l’y ajouter. Il a d’ailleurs dit à ce sujet que l’éditeur, les éditions PUF Presses Universitaires de France, avait l’intention d’ouvrir un site pour que tout le monde puisse s’emparer de l’objet et augmenter ce recueil de mots proposés par les internautes.

Les enfants se précipitent sur le micro pour citer les droits de l’homme, la religion, la citoyenneté puis nombre de dates relatives à la Révolution Française… à tel point que les professeurs les accompagnant ont trouvé nécessaire de nous dire que rien n’avait pourtant été préparé.

Ces élèves avaient une maîtrise formidable de l’histoire et avaient une telle envie de participer que Frédéric Worms leur a enjoint « d’être un peu plus républicains » pour se passer le micro.

Il a été génial : il a abordé des concepts avec la hauteur d’un philosophe avec des mots simples et des exemples concrets. J’enviais ses élèves de l'école Normale Supérieure car il incarnait à ce moment-là la transmission du savoir, avec le sourire, la simplicité … Un magnifique moment d'intelligence pure.

 

Ensuite, il y avait les fameux plateaux de radio en direct. Quelle joie de voir les visages des journalistes écoutés quotidiennement, entre autres Olivia Gesbert. Elle maîtrise totalement le dialogue, passe la parole à un rythme soutenu, en faisant des liaisons habiles entre tous les intervenants nombreux ce jour-là. Entre autres invités, Pierre Assouline est interrogé sur « l’affaire Cantat », une du journal Libération. Il répond avec mesure, et propose de moins en parler. Une autre époque, moins de braises attisées pour le buzz, plus de recul pour se poser les bonnes questions. Il souligne aussi que refuser d’éditer les pamphlets de Céline peut leur faire de la publicité et que le volume, donc le prix à payer pour le lecteur, peut en dissuader une bonne part  des lecteurs de les acheter. Un peu plus loin, on entend Bernard Pivot et sa fille sur le plateau de France Inter. Voilà une voix qui a bercé tous nos vendredi soir pendant des années. Un studio d’Apostrophes est reconstitué à quelques mètres de là.

Il y a quantité de livres partout, des gens passionnés et heureux, qui se conseillent gentiment, sans bousculade. Le bruit d’un orchestre arabe couvre un moment les cris des enfants venus nombreux avec leurs classes.

 

Je me dirige vers le stand consacré à la littérature russe, puisque celle-ci est mise à l’honneur cette année. Pas plus de conseil qu’ailleurs pour découvrir les auteurs. Des livres en caractères cyrilliques pour les initiés. Il y a un débat à côté mais je n’en saisis pas le sens. Déception de ne pas avoir été plus guidée pour découvrir de nouveaux auteurs russes.

En revanche, il y a de plus en plus de monde et un exposant me fait part de sa surprise car en principe, il n’y a personne le vendredi à midi. C’est bon signe et une consolation car il me fait remarquer que certains éditeurs se sont regroupés sur des stands pour réduire leurs frais et d’autres, comme les éditions Métailié, ont renoncé à participer car il est impossible pour un exposant de s’en sortir tellement le prix pour exposer est élevé. Les gens ne sont pas prêts non plus à payer pour accéder à cette librairie géante. Ils ont tort à mon avis car il y a de belles rencontres, des animations (ateliers d’écriture par exemple) et des débats partout.

 

D’ailleurs, j’aperçois un tas de livres qui retient mon attention. Leur auteur est Anne Nivat, entendue la semaine dernière sur France Culture. Elle m’a impressionnée par sa grande connaissance du terrain russe, sa facilité à s’exprimer et la profondeur de ses analyses. Décidément, c’est bon d’écouter des gens brillants. Je regarde la photo derrière le livre, la compare à la dame juste à côté. C’est elle, elle nous dit « oh la la, il y en a plein de livres sur cette table, quelle horreur ». Elle est d’emblée sympathique, simple, directe et l’échange va droit au but. Nous avons (ma fille et moi) la première dédicace … et la dernière car elle doit tout de suite se rendre à un débat. Belle rencontre, j’ai hâte de découvrir son livre "Un continent derrière Poutine ?" et  son documentaire que je regarderai en podcast sur France 5 (plus de 600 000 personnes ont regardé en direct le documentaire qui va avec le livre dimanche dernier à 17h).

 

Ensuite, c’est la plongée parmi tous les livres. Je me laisse tenter par la littérature japonaise pour ma fille et des choix complètement arbitraires bien assumés :

  • Un anthropologue en déroute de Nigel Barley (petite bibliothèque Payot voyageurs)

je me passionne pour l’anthropologie, l’auteur est anglais et il a l’air doté de cet humour qui me ferait lire presque n’importe quoi. Bref je vais rire en apprenant des tonnes de choses, bonheur garanti

  • La peur de Stefan Zweig (Rivages poche)

un grand auteur classique dont je ne compte pas le nombre de livres lus. Le sujet me parle : une femme soumise au chantage, excellent thème.

  • Crépuscule irlandais d’Edna O’Brien (Sabine Wespieser)

j’adore cet éditeur qui est le dernier à coudre ses pages. La couverture sobre est belle. Et l’auteur m’attire depuis des années. Le vénérable monsieur qui était derrière les piles de livres m’a indiqué celui-ci pour débuter avec O’Brien. Je lui fait confiance.

  • Lettres à sa fille de Calamity Jane (Rivages poche)

Oui, c’est la vraie Calamity Jane. Elle a eu une fille et c’est la traduction de ces lettres envoyées à une fille dont elle ne s’est pas occupée. Indépendamment du fait qu’il s’agit de Calamity Jane, il y a l’époque, le lieu et le déchirement d’abandonner sa fille. Intéressant a priori.

  • La fenêtre panoramique de Richard Yates (Pavillon poche)

Cet auteur a inspiré Raymond Carver et ce fait pourrait me suffire amplement. Mais en feuilletant ce livre et d’autres du même auteur, j’ai trouvé une écriture qui me correspond : efficace et simple. J’ai longuement hésité entre tous les ouvrages proposés et me suis décidé pour celui-ci car il est de format poche, cartonné en blanc, très beau.

 

Pour finir cette belle journée, j’assiste à un débat avec Raphaël Glücksman que je pourrais écouter pendant des heures raconter ce qu’il a vu place Maïdan en 2013. Il est accompagné, entre autres, d’Asli Erdogan. Cette écrivaine turque a été emprisonnée pendant six mois dans son pays en 2016, à vouloir y défendre les droits de l’homme, et  elle a quitté la Turquie depuis. Emotion de l’écouter raconter les dix-sept plus beaux jours de sa vie, ceux de la place Taksim, lieu de contestation et de parole libérée. Elle dit aussi les jets de produits acide sur les manifestants et les conséquences qui n’en finissent pas de faire souffrir les gens. Elle est belle et marquée. On aimerait aussi l’écouter seule, raconter ce qu’elle a vu et entendu, ses sentiments, comment elle voit les événements aujourd’hui, la venue d’Erdogan (oui, il a le même nom) à Paris. C’est beaucoup trop court. Tant pis, c’est mieux que rien.

 

Voilà, j’espère avoir la chance l’année prochaine de revenir au salon du livre, c’est vraiment passionnant.

 

Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Eclat de voix

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