eclat de voix

Publié le 23 Novembre 2017

Il se précipite dans le taxi. La pluie a commencé à tomber et de toutes façons, il était déjà très en retard. Comme toujours. Le retard est un bon signe. Etre débordé, c’est une vie remplie, sans temps morts.

Il écoute distraitement les informations à la radio pendant la consultation de ses derniers mails. Les trottoirs brillent. Qu’il est bon d’être confortablement assis au sec quand l’eau tambourine sur les vitres. Entendre le bruit des gouttes s’écraser contre les parois lui a toujours donné une sensation apaisante de réconfort.

Ce moment entre chien et loup procure une lumière magique sur la chaussée. Les éclairages de toutes sortes apportent un halo particulier. C’est un décor tout en reflets et en même temps triste. 

Il relève la tête un moment pour vérifier que le trajet emprunté est celui qu’il aurait choisi aussi. A cette heure-là, les embouteillages peuvent faire basculer un emploi du temps chargé. Il se demande alors ce qu’Isabelle pouvait bien faire à cet instant. Est-elle déjà rendue à ce dîner ? Quel ennui ces dîners passés à donner son avis sur la dernière exposition de peinture, le dernier film d’untel, la pièce de théâtre donnée à l’Odéon. La photographie est plus simple ; le flou ne le dérange pas. Les errances des photographes l’amusent plus qu’elles ne l’interrogent. Il y a presque de la jubilation à les regarder se mettre en scène, faute d’avoir pu s’extraire d’eux-mêmes.

La circulation est toujours dense, les phares allumés des voitures composent un ensemble mouvant et peu coloré. Il rajuste sa cravate au moment où le taxi se gare devant l’immeuble. En cherchant de l’argent dans sa poche, il s’approche du conducteur et reste figé. Ce visage lui est familier et en même temps, il est incapable d’y mettre un nom. Le temps s’arrête jusqu’à ce que le chauffeur lui rende la monnaie, sans lui avoir jeté un seul regard.

Il se reprend et ouvre rapidement son parapluie. Il sonne à l’interphone après avoir composé un premier code. Une voix familière lui dit que la porte serait ouverte et lui rappelle l’étage. Arrivé à l’appartement, il salue tout le monde. Sa femme n’est pas encore arrivée. 

« -Quelle heure peut-il bien être ?

- L’heure de l’apéritif, c’est sûr.

- Nous pouvons commencer car les autres arriveront plus tard. De toutes façons, avec cette circulation …

- Moi je prends toujours le métro, c’est plus sûr.

- Plus sûr comment ?

- Pour maîtriser le temps du trajet.

- J’ai de plus en plus de mal avec le métro. L’odeur est toujours la même. Tous les gens ont le regard vide, je ne m’y fais pas. Remarque, avoir le regarde vide est le meilleur moyen d’être tranquille. Si par malheur tu croises le regard d’un type, celui-ci ne te lâche plus, voire pire, il te suivra à ta descente de rame …

- Et puis il y a ces chanteurs qui te cassent la tête et ceux qui font la manche.

- C’est vrai et en même temps, c’est tellement pratique de prendre le métro. Je ne regarde pas tout ça. J’oublie. Je pense à autre chose.

- Moins je prends le métro, plus je trouve ça pénible. Tous ces gens, je ne sais pas. Après j’y pense encore et souvent, je ne suis pas prête à affronter ça.

- Pourtant c’est ce que tout le monde prend comme moyen de transport. A moins d’être une vedette de cinéma ou un cadre supérieur hautement stratégique.

- Oui, ben moi, le métro me déprime que veux-tu ?

- Qui veux un petit blanc acheté sur place en Bourgogne ?

- Moi je veux bien j’adore.

- Moi aussi finalement. »

L’ennui commence déjà à le submerger alors que la soirée ne fait que commencer. Il observe la décoration de la pièce. Tout est gris, blanc, un peu de noir retient la rétine, rien de choquant. Une belle photo en noir et blanc est accrochée au mur. Les fauteuils sont confortables mais dépourvus de coussins pour s’y blottir. Chaque chose est à sa place, pas de magazine qui traîne, encore moins de petit bazar ou de bibelot improbable. Les tentures sont ajustées aux fenêtres et filtrent la lumière de la ville, ainsi que le bruit. On a la sensation d’être dans une boîte hermétique. Les verres sont disposés sur une étagère en verre. Il y en a de toutes les tailles, classés par ordre de grandeur, les plus petits pour les alcools forts sans doute. Cela évoque un présentoir de magasin. Il est toujours fasciné par les verres rangés sur des étagères, sans fermetures, immaculées et prêtes à toutes les maladresses … Quelqu’un doit s’attarder avec patience à nettoyer tout cela régulièrement.

Aucune plante verte ne peut apporter une couleur à la neutralité de la pièce. D’ailleurs, il ne doit pas y en avoir dans tout l’appartement. La plante verte est une contrainte vivante. Elle peut mourir faute de soin, contrairement à un étalage de verres. Il se souvient que lors de leur dernière venue, sa femme avait apporté une magnifique composition florale de lys. Blancs bien sûr. Leur odeur était encore présente dans son souvenir. 

Il vaut mieux apporter des livres. Un livre lui fait toujours plaisir. Mais est-ce le cas des autres ? La lecture est tellement personnelle. Elle fait écho à l’intime. Mais quelle déception de ne jamais connaître en retour les impressions. Le pire est quand il ne peut pas résister à la tentation de demander bien plus tard ce que le lecteur a ressenti. Il regrette aussitôt car il doit se retenir de donner son avis en retour.

Et puis il y a le risque que le livre soit déjà lu. Il y a le livre qui le plonge dans une infinie mélancolie, lui rappelant avec grâce sa jeunesse passée et enfouie, lui expliquant combien la vie est ténue. Rares sont les livres lui ayant procuré de la joie ou encore moins de rire. Il n’y a pas de livres drôles, sauf ceux destinés aux petits enfants. Et pourquoi il n’y aurait pas plus de livres amusants ?

Des livres fascinants, certainement. Les meilleurs sont ceux avec des rebondissements ou des univers lointains et si proches en même temps. Quoique cela dépend aussi de son humeur. Cela lui permet de voyager sans peine, de découvrir les époques et les paysages divers, lointains. Il oublie alors tout, ses obligations, sa famille et même l’endroit où il se trouve au moment précis où il est plongé dans sa lecture. Rien ne peut le distraire, il est tout à son histoire et brûle d’envie de sauter des pages pour connaître le dénouement. Bien évidemment certains ouvrages où l’auteur s’amuse à déjouer des pistes, ne se prêtent pas à cette possibilité. Tout est bon pour lui et il a une telle boulimie de lecture qu’il aurait en train trois ou quatre livres, s’il se laissait aller. En revanche, il ne se restreint guère pour les achats. Sa bibliothèque est remplie de livres pas encore lus. Mais leur présence le rassure. Il ne serait jamais malheureux puisque tous ces livres n’attendaient que lui. Il fallait seulement veiller à ne pas avoir trop de retards pour les ouvrages qui lui avaient été offerts. Lui aussi pouvait avoir à dire ce qu’il pensait à propos d’un roman offert par un ami. Savoir tous ces livres accumulés ne le rendait pas triste, bien au contraire et cela ne l’empêchait pas de continuer à en acheter. Par exemple, il entendait à la radio un écrivain parler de son livre préféré. Il notait alors immédiatement le titre et l’auteur. Les chefs d’œuvre ne manquaient pas non plus et formaient une immense réserve dans laquelle puiser de longs moments de plaisir. Comment peut-on ne pas être désespéré en même temps de ne pas avoir déjà tout lu ? C’était comme la boîte de Pandore, plus il en lisait, plus il avait conscience de tout ce qui lui restait encore à lire. Sans compter les livres qui sortaient et faisaient l’objet d’articles dans les journaux. Son appétit était aiguisé par tous ces articles terminant par un « vous avez de la chance de ne pas l’avoir encore lu ». Et puis le plaisir le plus grand sans doute pour lui était de passer des heures dans la librairie. Il cherche fébrilement le nom de l’auteur pour trouver l’ouvrage convoité. Se rendre à une table où les livres sont disposés ; ouvrir l’un d’entre eux, au hasard, en plein milieu et commencer la lecture, voir ce qui le happe. Est-ce que l’écriture est fluide ? Compliquée ? Intrigante ? Ciselée ? Irritante ? Pourquoi avait-il du mal avec les petites phrases courtes ? Il n’en savait rien mais cela lui semblait automatique dans la littérature actuelle. Il était attiré par les auteurs américains, les irlandais, la puissance de deux trois lignes pour transmettre des impressions. Cela lui faisait beaucoup d’effet. Après avoir été séduit par quelques phrases lues au milieu du livre, il commençait les premières phrases, pour valider son choix, en somme. Pour finir, il parcourait très brièvement ce qui était indiqué sur l’auteur en s’interdisant de lire le résumé inévitable à l’arrière de la couverture. Qui pourrait avoir envie d’un résumé ? Parfois il le lisait après avoir terminé et était amusé de celui-ci, ou agacé si cela ne correspondait pas à ce qu’il avait ressenti comme faits essentiels de l’histoire. Après avoir feuilleté de nombreux livres, l’envie était là. Alors commençait la sélection proprement dite. Bien souvent, il privilégiait de nouveaux auteurs. Les auteurs chéris sont là pour les moments de disette, où le livre fait plus que divertir, il comble la vie et permet pendant le moment de lecture de s’en extraire pour un plaisir garanti. Les auteurs favoris remplissent à merveille cette mission.

Pour finir, aucune trace de livre dans cette pièce. Espérons qu’une bibliothèque ait trouvé une place dans cet appartement, au pire dans les toilettes; au mieux dans l’intimité de la chambre à coucher. D’ailleurs, à quoi pouvait bien ressembler leur chambre à coucher ?

« - A quoi penses-tu ?

- Oh à rien, enfin il m’est arrivé une chose bizarre en venant. Je crois bien que je connaissais mon chauffeur de taxi. 

- Ah bon, comment ça ? Tu avais déjà pris le même taxi aujourd’hui ?

- Eh bien il m’a semblé reconnaître un garçon croisé pendant mes études.

- Il aurait fait les mêmes études que toi ?

- Oui, c’est drôle, tu ne trouves pas ?

- Cela demande un peu d’explication, comment cela se fait-il qu’il soit devenu chauffeur de taxi ?

- Ecoute, justement je n’avais pas envie de le savoir et comme il ne m’a pas jeté un regard, il ne m’aura pas reconnu.

- Alors tu n’avais pas envie de savoir ?

- En fait non et puis à quoi ça sert une fois que tu l’as reconnu ? Tu lui dit « Alors tu es chauffeur de taxi ? » et il te dit oui et puis au revoir.

- C’est sûr que cela ne sert à rien, sauf peut-être à satisfaire ta curiosité … Pourquoi est-il chauffeur de taxi ? il a peut-être été cadre dirigeant, plein de responsabilités, des réunions à n’en plus finir, des soirées et des week-end ponctués de mails urgents, des collaborateurs ambitieux et sans états d’âme … tu vois ce que je veux dire.

- Bien sûr, mais à quoi cela sert-il de le savoir ?

- Oh à rien, tu as raison. C’est comme de savoir ce que ressentent les gens dans le métro. Ce à quoi ils pensent. Pourtant je ne peux pas m’empêcher d’avoir envie de le savoir, j’extrapole sur leurs habits, leur attitude lasse ou triomphante, inquiète ou détendue. Va savoir les vies qui se cachent derrière ces silhouettes. Et puis je suis toujours perplexe face à cette diversité infinie.»

 

Enfin arrivent les derniers invités, chargés de bouquets de fleurs, apportant la touche de couleur qui manque à ce séjour terne. 

Sa femme est là. Elle rit aux éclats.

« - Et si nous passions à table maintenant ? ». Tout le monde se dirige à pas lents vers la salle à manger – cuisine, où de délicieuses odeurs l’assaillent. Personne n’est bien pressé de s’asseoir.

L’entrée est présentée dans chaque assiette avec profusion d’ingrédients divers. Il a gardé de son éducation bourgeoise l’interdiction de laisser de la nourriture dans son assiette. C’était impossible de ne pas finir, offense à la toute sacrée nourriture, offense à la maîtresse de maison qui s’était démenée pour ce chef d’œuvre culinaire. Mais était-ce bien raisonnable de débuter le festin l’estomac rempli ? Il savait se forcer à avaler les aliments, question de principe.

« Alors que deviens-tu ? Cela fait un bon moment que nous ne nous sommes vus …

- Oui, en effet, cela fait un bout de temps … »

 

Que dire ? Que les plaisirs s’émoussent ? Que c’est comme ça, il n’y a rien à dire, je suis déjà fatigué et que je n’ai plus la force de chercher un truc marrant ou intéressant à dire …. Que le tour de la question est fini depuis longtemps ? Il s’en veut un peu d’être devenu ainsi, alors il cherche rapidement une idée pour éviter de  penser à tout ce temps passé.

 « Es-tu allé voir cette expo au Grand Palais ? 

- Ah oui, bien sûr.

- Heureusement que j’avais les écouteurs sinon je n’aurais rien compris à ces installations. Tu vois, moi, je ne sais plus profiter des expos sans ces audio guides. Tu ne perds pas de temps comme ça. Ça va plus vite. Et puis tu ne te sens pas constamment gêné par la présence de toute la foule autour de toi.

- Oui, mais comment as-tu trouvé les œuvres ?

- A vrai dire, je ne sais pas, je n’y ai pas pensé … et toi ?

- J’avais préféré cette rétrospective de Barcelone.»

Il se concentre sur le repas, les visages. Tout est embrumé à présent. Il ne peut s’empêcher de penser à la journée du lendemain, aux réunions, aux décisions … Toute cette frénésie.

Enfin ils s’excusent de partir si tôt. Ils ont passé une délicieuse soirée, vraiment, et quel dessert ! Sa femme est fatiguée en ce moment, il faut bien prendre soin d’elle … Merci encore ; au revoir, oui, on se revoit très bientôt.

Il n’en peut plus. « Qu’est-ce qui t’a pris de dire que je suis extenuée ? De quoi ? Tu ne peux pas dire les choses ? Que c’est toi qui en a marre ? ». 

Il se tait, concentré sur la rue vide. Il marche sous la pluie, serré contre elle pour partager le parapluie.

En cherchant à éviter les flaques, il réalise soudain qu’il n’avait pas parlé à Eric. Pourtant, il le connaissait depuis bien longtemps. De le voir depuis toujours l’autorisait à se dire que rien ne change. Depuis combien de temps n’avaient-ils pas eu de vraie conversation ? C’est curieux car au fond, il n’a jamais envie de lui raconter des choses, rien en particulier. Comme si avoir besoin de parler était un aveu. Non, il préfère l’écouter, quel qu’en soit le sujet. Cela ne veut pas dire qu’ils sont toujours d’accord. Il a cette affection pour Eric qui excuse tous les débordements. C’est comme ça. Et les débordements ne manquaient pas, surtout en fin de soirée. La durée de leur amitié surpassait tous les arguments. La question d’être ami avec Eric ne se posait plus. C’est comme si Eric n’avait pas de vie, d’envies. Gaspard n’attendait rien, satisfait de retrouver cette présence immuable, sans histoires.

 

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

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Publié le 16 Octobre 2017

Elle déambule dans son ensemble de couleur chair, rehaussé de dentelles. En attendant leur arrivée, elle observe le reflet de l’ensemble d'immeubles tout éclairés de l’intérieur. La vie est partout dans ces petites lumières colorées. 

Elle enfile sa robe, se met du rouge aux lèvres et passe sa main dans ses cheveux. Elle ouvre le placard de l’entrée et cherche les chaussures.

Elle a le coeur qui bat plus fort, elle a attendu ce moment depuis si longtemps. Ils ne se sont pas vus depuis son retour. La musique l’apaise, ces airs entendus tant de fois sont des motifs répétés à l'infini.

Vont-ils la trouver changée ? Et eux, vont-ils la surprendre ? Se reconnaitront-ils ?

Ce soir, ils seront là. Ils pourront rire, oublier la douleur, savourer leur bonheur et réaliser que la vie est belle.

La sonnette retentit, c’est eux. Elle ouvre la porte et se précipite pour les embrasser. Enfin ensemble.

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

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Publié le 26 Juin 2017

Plusieurs fois par semaine, madame de Souza venait faire le ménage. Ses vêtements sombres, son foulard sur ses cheveux noirs, contrastaient avec son éternel sourire, ses yeux verts magnifiques et j’aimais quand elle me prenait dans ses bras. Elle parlait doucement, avec un léger accent, tout était délicat chez elle. Je l’observais de loin, en train de passer un chiffon sur les meubles, se déplaçant avec grâce et tranquillité. Elle ne faisait pas de bruit, pas de conversation avec notre mère. Chaque année, elle rapportait une bouteille de Porto, pour le plus grand plaisir de papa. Je me demandais alors quel cadeau nous lui faisions. Mais c’était comme ça, c’était dans l’ordre des choses, elle était notre employée et elle nous faisait des cadeaux.

 

Une autre personne illuminait mon enfance : madame Davin. Cette femme travaillait déjà à la pharmacie lorsque celle-ci était celle de mon grand-père et elle y est restée lorsque la pharmacie a été reprise par mon père. Cette femme me paraissait immense, avec ses cheveux courts et frisés, des yeux plissés par son sourire, portant toujours une blouse blanche. Si elle traversait la cour pour aller dans la réserve et que nous nous y trouvions, elle ne manquait jamais de nous proposer l’avion, pour notre plus grande joie. Alors elle nous attrapait par les bras et tournoyait si fort que nous étions soulevées au niveau de sa poitrine. Elle riait encore plus fort lorsque nous lui réclamions de recommencer. Ainsi, la cour devenait très attrayante, rythmée par les venues de madame Davin. Le fond de la cour à gauche était recouvert de briques, dont la couleur me ravissait. Il y avait des petits murets qui faisaient des genres de séparation, lieu idéal pour des enfants pleines d’imagination.

 

Dominique était le champion pour nous amuser le plus sûrement. Faisant alors son service militaire à Rennes, il venait passer ses permissions à la maison. Notre oncle était non seulement la joie de vivre, mais il incarnait la liberté. Il disait des gros mots, riait fort et racontait des blagues. Ses préférées étaient celles de Coluche. Il nous chantait les chansons de Bobby Lapointe en roulant ses yeux bleus brillants. Je le vois encore en bas de l’escalier de la maison, nous appelant pour signaler son arrivée. Nous nous jetions aussitôt dans l’escalier en hurlant de plaisir, d’autant plus que sa venue était toujours une véritable surprise.

Il nous traitait toutes les trois de façon égale, avec beaucoup d’intérêt et une immense gentillesse. Je nous vois encore en tenue de danse, mises en scène par ses soins dans la cour. Cela pouvait durer toute une après-midi, nous n’avions jamais l’impression de le lasser ou de l’agacer. En tous cas, il ne nous faisait pas sentir que nous étions que des enfants, donc peu digne d’attention. Cela a créé entre nous un lien très fort, qui dure encore.

 

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

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Publié le 21 Juin 2017

A l’époque nous habitions une maison très étrange pour une petite fille pleine d’imagination. Un grand escalier en colimaçon menait à l’étage. Immédiatement à gauche sur le palier, une porte  était interdite : celle de la chambre de nos parents. En face se trouvait une chambre rarement occupée. Elle avait de jolis rideaux bleus avec des petits fleurs de type provençal rouges et blanches. Ensuite venait le salon, jamais utilisé étant situé à l’étage. il faut dire aussi que nos parents ne recevaient personne. C’était la seule pièce un peu moderne de la maison puisque refaite à neuf. Un canapé recouvert de velours gris clair trônait au milieu, sa couleur ne permettant pas aux enfants de s’y asseoir, la douceur et la finesse du velours étaient très pourtant attirantes.

En poursuivant sur le palier, deux chambres se faisaient face : celle de notre soeur ainée et notre chambre à nous deux, mon autre soeur et moi. Un énorme placard s’inscrivait dans le mur à droite de la cheminée. Nous pouvions aisément nous y cacher, étant donné sa profondeur. Deux grandes fenêtres donnaient sur la rue et la nuit, j’étais fascinée par les lumières des phares de voiture qui  passaient par nos volets à persienne et striaient le plafond de notre chambre.

Notre soeur ainée disposait d’une toute petite pièce, joliment décorée d’un papier peint avec des petites roses très fines.

Un autre escalier était visible par l’escalier principal; réservé aux employés de la pharmacie, il était mystérieux. A tout moment quelqu’un pouvait l’emprunter et apparaitre par surprise. Au rez-de-chaussée, à côté de l’officine et du laboratoire de notre père, nous avions notre salle à manger et la cuisine. C’était une sorte de couloir jaune, triste, sans table pour préparer les plats, ni pour s’asseoir. Nous faisions la vaisselle à la main, sous une fenêtre haute et rectangulaire, un modèle plus adapté à un local technique qu’à une cuisine. Elle avait une porte qui donnait sur la cour. Celle-ci était en deux parties, chacune donnant accès à un genre de petite maison. Devant la plus petite, nous avions une balançoire. Autour de la balançoire fleurissaient au printemps des clématites. J’aimais leur couleur violette, contrastée avec le gris de la cour. De petites plates bandes couraient le long du mur de droite. Je me souviens seulement de grosses limaces marrons dans ces plates bandes. Une fois alors que j’étais en pleine contemplation de l’une d’entre elles, papa jugea bon de me raconter que son propre père en avait mangé. Devant mon intérêt, il précisa que c’était une période difficile pour lui puisqu’il n’y avait rien à manger, que c’était la guerre, la première guerre mondiale.

De temps à autre, un gros pot rond était garni de grosses fleurs jaunes ou rouges. Elles ne pouvaient être coupées pour faire des bouquets comme les roses, les lilas ou les muguets du jardin de ma grand-mère, mais j’aimais les observer de près en m’accroupissant près d’elles. Lorsqu’on cassait - pour l’expérience ou pour le plaisir - une des fleurs, un jus coulait de l’épaisse tige translucide. Alors le jus était utilisé pour dessiner sur le sol en ciment de la cour, les pétales de fleurs broyées pour apporter de la couleur. Voilà une belle aubaine pour s’amuser, sans avoir de reproches de trop salir ou de gâcher la peinture ou les stylos.

Dans la petite maison du fond se trouvait aussi un escalier fascinant, décoré d’une énorme boule de verre de couleur rouge sur le début de sa rampe. Il était interdit d’entrer dans cette petite maison et encore plus de monter à l’étage, et pour cause : le stock de couches pour bébés était entreposé à cet endroit. Rien de plus amusant que de rebondir dans les paquets regroupés en quantité dans cette pièce. Je me souviens de mes efforts pour essayer de grimper dessus, ne pouvant apercevoir le haut de cette montagne de paquets énormes à mes yeux de petite fille. Ensuite, notre soeur ainée récupérait les cartons vides pour y fabriquer les maisons dont elle avait dessiné les plans.

L’endroit le plus extraordinaire à mes yeux d’enfant était le grenier au dessus de nos chambres à coucher. Là se trouvaient entreposés une énorme quantité de bocaux en verre, de petites boites en cartons de toutes tailles et de toutes les couleurs. Nous régnions sur une épicerie magique, remplie de toiles d’araignées et de poussière. Celles-ci auront disparu quand notre soeur ainée aura sa nouvelle chambre sous les toits, avec le tourne-disque orange sur le rebord de la fenêtre. Toutes les boites ont alors été jetées, excepté deux ou trois que j’ai sauvé, en souvenir du grand-père qui les utilisaient pour y mettre ses préparations pharmaceutiques.

 

Enfin j’avais le privilège d’aller chercher le journal tous les matins - je me souviens avec précision de celui avec la photo du général de Gaulle qui emplissait toute la page lors de son décès - occasion de traverser l’endroit le plus interdit entre tous : la pharmacie. Je régalais au passage mes yeux des couleurs des savons exposés à la vente, des énormes flacons munis de robinet pour verser le parfum, tout était magique. Il fallait aller vite pour ne pas trahir le temps consacré à ma curiosité. Plus tard, j’aurai le droit de regarder la confection des pilules et mieux encore, de les faire aussi.

L’endroit le plus effrayant était sans conteste la cave, lieu froid et sombre, terrible pour une petite fille. Mes soeurs arrivaient sans aucun problème à m’y emmener, sous différents prétextes et dès que j’y pénétrais, m’y enfermaient. J’entends encore leurs rires victorieux et j’hurlais à la fois de désespoir, de colère et d’effroi. Innocente, je me laissais prendre régulièrement à leurs pièges. Elles aimaient bien aussi m’enfermer dans les toilettes du palier. En réalité, elles m’empêchaient d’en sortir et cela suffisait à me faire très peur.

Je me vois encore rester enfermée dans ma chambre, après avoir utilisé la clef sur la porte puis étant incapable de l’actionner pour l’ouvrir. 

 

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

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Publié le 12 Juin 2017

Je me souviens de cette plage, toute petite, pleine de rochers noirs, recouverts d’algues foncées. Le sable semblait encore plus pur et plus brillant avec le reflet de la lune sur la mer pour tout éclairage. Dans ce sable, de minuscules coquillages en forme d’escargots se distinguaient par leur couleur jaune d’or, couleur inattendue dans ce décor.

Tout était apaisé par le rythme des vagues, inexorable, infini.

Le bruit du ressac était celui de l’éternité.

 

Je n’osais à peine m’asseoir, de peur de troubler ce tableau parfait. La contemplation de celui-ci me remplissait assez pour assourdir le son infernal de mon cerveau. A quel moment avais-je eu conscience qu’il ne me laisserait jamais en paix ? Je me trouve dans la cour de récréation de l’école primaire. Il y a un bac à sable sur le côté, des platanes tout autour, des petites filles en blouse partout, un préau. Je viens de me battre, j’ai arraché une petite chaîne en or ou bien est-ce que c’est la mienne qui a été arrachée ? Puis je déambule dans la cour, il y a du soleil, de belles ombres de feuillage au sol. J’aimerais éteindre maintenant l’interrupteur de ma conscience, cesser de réfléchir, de me poser des questions sans cesse.

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

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Publié le 7 Juin 2017

Ce n’est pas comme un rideau qui se lève soudainement. Tout s’est passé en silence, ni elle ni les autres ne se sont rendu compte du changement. Pourtant elle n’est plus la même, toute sa vie a changé. Elle ne l’a réalisé qu’après. Elle n’a rien vu, elle n’a donc rien pu faire. Le problème est de s’aimer maintenant qu’elle ne se reconnait plus. Quelle ironie pour quelqu’un qui aime bien maitriser. Elle ne cherche plus à comprendre, il faut s’accepter désormais.

 

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

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Publié le 13 Mars 2017

Une mauvaise comédie vient de se dérouler en trois actes.

1er acte : il est accusé de quelque chose et il ne comprend pas de quoi. Normal, il est tellement hors de la réalité.

2ème acte : il s’excuse mais sans jamais dire à quel propos et promet de partir si il est mis en examen.

3ème acte : mis en examen, il fait alliance avec son pire ennemi pour garder la place, aux dépends de celui qui pouvait encore donner des chances à son parti.

 

Moralités :

  1. Il sacrifie sa femme. Savait-elle tout ce qu’elle gagnait ? On est en droit de se poser la question, elle a l’air perdue, elle ne dit rien. Qui voudrait d’un responsable exposant sa femme jusqu’au bout, pour sa propre ambition ? Quelle ironie pour une personnalité politique qui met en avant la famille, à moins que sa conception soit la suivante : le père dirige sa famille en fonction de lui.
  2. Il sacrifie son parti. Tout le monde panique, veut partir ou surtout le faire partir. Il s’accroche. Certains tentent de le raisonner. Non, il n’est pas raisonnable et après quelques manigances et concessions, l’autre candidat potentiel et lassé est évincé.
  3. Il se pose en victime, défense du pauvre sans défense. Qui peut croire qu’il en est une alors qu’il ne réalise pas que 7000€ par mois feraient le bonheur de beaucoup ? Or il s’agit ici d’un « complément » à tous ses traitements de député, ex premier ministre et j’en passe. A-t-il déjà acheté un ticket de métro ou un pain au chocolat ? Son énorme décalage avec la vie de tous ne l’empêche pas de se présenter en martyr des médias. Il semblerait que personne n’a pu lui expliquer en quoi cela pouvait être grotesque ou pathétique. A moins qu’il n’aie pas compris, ou pire pas voulu comprendre …

 

Voilà un homme tellement hors sol qu’il ne sait plus mesurer la gravité des faits, ne pense qu’à lui, quitte à sacrifier sa femme, son parti, sans jamais se demander ce que peuvent penser ses électeurs. Il ne lui vient pas à l’idée - peut-être faute de ne pas l’avoir fait depuis trop longtemps - de dire précisément l’objet de ses excuses. Or il répète à l’envi qu’il s’excuse, ultime geste de bonne volonté de sa part ?

 

Cette attitude est une violence à l’encontre de la démocratie, elle fait le jeu de Marine Le Pen qui dénonce à tour de bras le système.

 

Nous méritons mieux que cela, nous avons besoin de personnes exemplaires.

Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai entendu dans notre belle campagne privilégiée des propos bizarres.

« J’ai 70 ans, et je paie des impôts depuis l’âge de 20 ans ». Eh bien oui, pourquoi devrai-je en payer ? pourquoi ne pas profiter aussi ? et c’est pour payer les députés ?

« Je pense qu’ils sont tous juifs dans le gouvernement » Oui, vous avez bien lu, cela me laisse coite …

 

Allons, ne baissons pas les bras, il y a plein de gens bienveillants, pétris d’humanité, malgré tout.

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

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Publié le 26 Janvier 2017

« Je dois dire que je ne sais pas comment il est possible d’avoir envie de lire ce genre de livres; vraiment, cela me dépasse.

- Ah vraiment ? Pourtant il a été ministre, il ne doit pas mal écrire déjà.

- Oui mais tout le monde sait ses penchants douteux.

- Vous voulez parler de son homosexualité ?

- Oui, c’est bien connu.

- Et alors ?

- Alors il va nous raconter tous ses vices, ses travers et pourquoi pas, avec des mineurs. Il y a une époque pas si lointaine où tout ceci était puni par la loi.

- Pour les mineurs, c’est toujours d’actualité. Mais il est aussi d’actualité que nous avons parmi nos proches des homosexuels ».

 

   Elle se met à rougir, comme si elle s’échauffait, alors que le ton de sa voix ne s’est pas élevé.

 

« Moi je reste d’avis que tous ces gens devraient se faire soigner pour cela dans des hôpitaux psychiatriques ».

 

  Le silence est total, le souffle coupé, chacune attend la prochaine phrase, est-il nécessaire d’en rajouter ?

  Elle regarde autour d’elle et l’ennui la submerge. Le décor est triste : les gravures au mur représentant des endroits inconnus, les tapis sans éclat, les lourdes tentures aux fenêtres. Elle observe encore ce petit groupe de femmes.

 Le babillage reprend doucement, comme dans un rêve. Il ne s’est rien passé au fond. La contradiction est sans importance. D’ailleurs pourquoi est-elle venue ? Elle ne saurait le dire, elle ne sait plus. Elle ne les connait pas. Est-elle venue pour faire des rencontres ? Certes, il est toujours agréable de découvrir de nouvelles personnes mais elle ne se sentait pas seule à ce point. Et pour finir, elle déteste prêter ses livres.

 

  Elle a encore le souvenir cuisant d’avoir dû réclamer un énorme sac de livres prêtés à une femme quasi inconnue. Parmi ces livres, il y avait celui offert par son père, auquel elle tenait tant, aussi bien pour l’histoire que pour le symbole. Il y avait très peu de livres chez ses parents et si il y avait un cadeau à venir, elle demandait un livre. Il y avait si peu de livres qu’elle lisait même les extraits dans des éditions réduites d’après guerre, usitées alors pour le lycée par ses parents. Elle avait une telle faim de lecture qu’une encyclopédie aurait pu faire l’affaire, pourvu qu’elle lise ! Et cette fois-là, son père avait cédé , il lui avait acheté dans une belle édition le livre demandé, livre découvert à la télévision après une chronique mémorable de Laure Adler. Elle réalisait alors que cette frustration d’alors se traduirait plus tard par une tendance à stocker un nombre incroyable de livres « au cas où ». C’est une garantie de bonheur. Jamais elle ne pourrait être à court de lectures. Depuis cette époque, elle a un réseau d’amis aussi passionnés qu’elle, qui lui prêtent des ouvrages. Internet offre aussi la possibilité de lire tous les classiques dont elle raffole. Et pour finir, elle parcourt les rayons de la bibliothèque et prend n’importe quel livre sans se demander si le choix est judicieux ou non. Maintenant, la difficulté est de décider parmi tous ces livres lequel sera lu d’abord …

   Le plaisir de lire est étonnant, elle ne sait pas à quoi cela tient. En effet, celui-ci peut traiter des sujets les plus douloureux, sans jamais ennuyer le lecteur.

 

« Qui veut du café ? »

   Elle se réveille, le bruit de fond vient à ses oreilles. Il n’y a pas eu d’incident, sauf pour elle. Enfin, est-ce que cela peut être un incident en réalité ? La règle n’est pas dite. Elle est convenue, il y a un échange de vues sur les lectures mais jamais de contradictions frontales. En réalité, est-ce si grave au fond ? Quel est l’espoir de faire changer d’avis  quelqu’un sur un sujet qui ne l’affecte pas ? Tout de même, les gens ont souvent des avis bien arrêtés sur des sujets qui ne les concernent pas. Elle n’est pas plus regardée que tout à l’heure, lorsqu’elle est arrivée pour assister à cette réunion de groupe de lecture.

   Ces femmes ne sont pas venues pour juger ni créer des tensions, elles ont passé l’âge et c’est un privilège auquel elles tiennent particulièrement : retrouver d’autres femmes sans risquer le moindre écart. Etre tranquille dans son monde aseptisé, où tout est réglé d’avance, chaque question ayant la bonne réponse. Elles ont sans doute eu leur lot de problèmes, elles aspirent désormais à une paix méritée.

 

« Euh … non, merci, pas pour moi »

 

   Pas pour moi cette démission de la pensée. Cela a commencé très tôt et toute petite déjà, on l’engageait à se taire, arrêter de poser sans cesse des questions, à tout propos, à n’importe qui, sur n’importe quoi. « Je ne suis pas un dictionnaire » était la réponse favorite de sa mère. Celle-ci n’avait eu d’autre choix que de ne jamais penser, cela avait été prévu par son éducation. Son propre père jugeait tous les soirs de ce qui était bien ou mal, à l’aune de ce qui s’était passé pendant la journée. La religion avait fait le reste.

 

« Un petit macaron alors ? 

- Oui, allez, je veux bien un de ces délicieux macarons, merci Dominique ».

   Qu’il est doux de croquer dans un macaron et de découvrir ensuite la ganache ou le parfum de fruit choisit pour garnir la coque légère et sucrée du gâteau.

  Voilà, c’était bien agréable après tout de boire du café, manger des gâteaux, parler de ses lectures … un moment un peu privilégié, sans compte à rendre, sans objectif, juste pour se conforter de la douceur de la vie.

 

   Immédiatement, lui revient en mémoire cette époque oubliée, celle de ces nombreuses soirées où elle réinventait sa vie à chaque nouvel interlocuteur. Qu’il était amusant de créer des histoires familiales, des situations compliquées, des malheurs bien souvent, cela retenait plus surement l’attention. Elle n’avait pas honte de tous ces petits mensonges distillés avec plus ou moins de conviction, un jeu pour trahir le banal et une rébellion contre l’interdiction de mentir.

Oubliée aussi son allure, ses cheveux coupés courts parfois rasés en partie, les habits négligés. Elle aimait rebondir dans les discussions, critiquer sans fin une idée, puis partir dans une autre direction. Epuiser tous les sujets était sa prédilection, sans idéologie particulière, la seule valable étant de démontrer, trouver les arguments puis démontrer l’inverse à une autre occasion. Peu importe que les autres soient déstabilisés, cela lui était égal. Maintenant plus question de jouer.

 

« Et toi France, qu’as-tu à nous présenter aujourd’hui ?»

   Elle sortit des livres de son sac. Elle avait apporté un livre sur la foi, lu dans un autre de ses groupes de lecture. Puis un autre sur les « professeurs de désespoir » de Nancy Huston. Elle parlait vite, comme si le temps était limité. En réalité son engouement était tel qu’elle enchainait les arguments à toute vitesse. Peut-être avait-elle été empêchée à d’autres reprises de convaincre son auditoire. Elle finit par avouer dans un souffle qu’elle n’avait pas apporté toutes ses lectures. Mais elle avait sélectionné pour nous les meilleurs livres lus depuis la dernière réunion. Elle décidait alors qu’elle serait son amie.

 

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Eclat de voix

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Publié le 14 Décembre 2016

Quand on arrive dans la pièce, l’oeil est tout de suite attiré par deux jolies bibliothèques remplies de livres divers. Il y a aussi des gobelets en argent, un petit animal en tissu, une lampe en terre blanche toute trouée, un tableau carré, une photo de vieille grand-mère … L’oeil reste quand même un peu sur les livres, s’y attache puis descend jusqu’aux piles qui semblent soutenir les bibliothèques. A cet endroit, il n’y a plus de logique : tout est entassé pêle-mêle, sans aucun alignement joli.

Ses lectures sont entassées là, avec ceux qu’elle voudrait lire. Comme si leur présence la rassurait, lui assurait aucune journée d’ennui, beaucoup de plaisir à venir et des sommes de découvertes encore à faire. Est-ce cela la vraie vie ? Une jeune fille lui avait dit un jour, à une époque où elle était aussi une jeune fille, que les gens malheureux aiment lire. Il est vrai que si le livre déçoit, il suffit de le refermer et de passer au suivant. Le livre est une présence puissante sur l‘imaginaire, des mondes pour s’évader, penser à autre chose, relativiser son petit intérieur.

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Eclat de voix

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Publié le 13 Décembre 2016

Les informations sont sans appel : Alep est morte, la démocratie aussi. Il me revient en mémoire les premiers soubresauts de révolution en Syrie, plus ou moins suivis. Un article dans Elle qui raconte que les responsables de la communication de Bachar El Assad sont de toutes jeunes filles incompétentes ... sans transition des témoignages de médecins syriens sont diffusés sur France Culture, témoignages épouvantables, terrifiants, difficiles à écouter. Nous devons être en 2013. Puis vient la promesse de Barack Obama : si les armes chimiques sont employées les US interviendront. OUF ! nous n'avons jamais été déçus par ce prix nobel de la paix. Hélas rien ne se passe après l'arrivée des preuves de l'utilisation des fameuses armes chimiques. L'explication (trop technique pour être largement donnée dans les médias ?) viendra bien plus tard. Barack Obama ne peut pas demander à son congrès républicain d'aller seuls à la guerre puisque l'assemblée du Royaume Uni n'a pas voté sa participation ...

Et voilà les russes se sont emparés de l'affaire, je n'ose même pas imaginer qu'ils aient fait alliance avec Daech pour la reprise de Palmyre pour faire diversion en ce qui concerne Alep.

Que dire encore ? Que nous sommes impuissants ? Que nous avons passé notre temps à nous déchirer entre européens pour ne pas accueillir les réfugiés et que nous n'avons rien tenté. Pire encore, nous avons négocié avec un tyran turc pour qu'il "trie" à notre place ces malheureux.

Nous avons su défiler dans la rue pour défier les terroristes après l'attentat de Charlie Hebdo mais là rien ne vient.

Quel message d'impuissance nous envoyons maintenant aux russes ? aux syriens meurtris ? comment pourront-ils s'en remettre ? Vu d'ici aucun syrien n'a pu être épargné. S'en remettre alors qu'ils ont été abandonnés par tous, y compris par ceux qui se revendiquent des droits de l'homme. Que peuvent-ils ressentir quand il y a l'odieuse préoccupation de la destruction des sites archéologiques alors que des gens sont torturés juste à côté ?

Quelle colère cela va-t-il provoquer ? Ils sont seuls, n'ont plus rien, encore moins que rien à perdre.

Nous avons de formidables outils de communication, ce qui nous autorise à ouvrir les yeux. Nous avons eu les conflits entre hutus et tutsi, les conflits dans les balkans, et maintenant la Syrie. Cette fois, y aura-t-il y un tribunal international ? Quelle crédibilité ? Comment juger quand on est resté les bras croisés ?

Quel discours Daech va pouvoir construire sur notre lâcheté bien cruelle ? Quelles valeurs pourrons-nous revendiquer ?

Comment dire pardon à toutes ces victimes ?

Comment ne plus jamais recommencer ?

 

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Rédigé par Hélène Daumas Objectif Livre

Publié dans #Eclat de voix

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